Dominique Barrou est une éducatrice sportive et formatrice en motricité du tout petit (0-6 ans) spécialisée dans la construction de la verticalité et l'acquisition de la marche chez le bébé (motricité libre). Également intervenante dans des structures petite enfance (RAM, Crèches) et dans l'association « Eveil Forme Loisir » qu’elle a créée dans la ville de Villars (42), cette passionnée nous explique les spécificités de cette pratique chez les enfants les plus jeunes. Rencontre.
Tout d’abord, présentez-vous. Quel a été votre parcours au sein de la fédération ?
« Je suis Dominique Barrou, éducatrice sportive, et je suis une « ancienne de la Fédération Sportive et Culturelle de France » ! Je fais partie de la fédération depuis maintenant 58 ans. J’ai commencé à 5 ans et demi à faire de la gymnastique et je suis toujours restée dans le monde associatif. J’ai même rencontré mon mari, Emmanuel, dans mon club ! Comme beaucoup de personnes encore présentes dans leurs disciplines j’ai gravi les échelons pour devenir éducatrice. En étant formatrice je me suis intéressée à cette merveilleuse machine à explorer qu’est le corps humain. Par la suite, je me suis lancée dans l’Eveil de l’enfant, concept lancé par la FSCF, basé sur la multi-activité, en excluant toute pratique spécialisée pour l'enfant, jusqu'à l'âge de 6 ans. »
Qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser dans l’Eveil des premiers pas ?
« J’ai voulu approfondir cette thématique pour les enfants les plus jeunes, les enfants de moins de 3 ans. L’approche est différente, c’est une belle construction pour le nourrisson. J’ai créé ma propre association il y a 22 ans à Villars, « Eveil Forme Loisir », qui réunit 200 enfants dont 48 bébés, donc pour l’instant cela fonctionne bien. J’ai pu au fur et à mesure du temps me perfectionner, notamment grâce à Michèle Forestier, kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation des bébés présentant des retards de développement et de la marche. Elle a développé cette pratique auprès d’autres kinés pour les spécialiser en pédiatrie. J’ai fait cette formation, nous sommes devenues amies et depuis 7 ans elle est à mes côtés sur l’Eveil des premiers pas. J'ai acquis maintenant une solide expérience et de riches connaissances que j'aime transmettre aux parents et aux professionnels lors de séances, de conférences. Dans le cadre de la formation continue, je propose des modules de formation sur ce sujet aux assistants maternels, aux professionnels. »
Comment est organisée la formation des éducatrices et éducateurs en ce qui concerne l’Eveil des plus jeunes enfants ?
« En ce qui concerne le contenu et l'encadrement, ils sont du ressort de la commission nationale Eveil de l'enfant. Les référentiels et les méthodes pédagogiques sont élaborés par une équipe de la Commission Nationale sous la houlette de la Direction Technique Nationale de la FSCF. La formation des animateurs est assurée également par la commission sur le plan technique. L'organisation, la programmation et la formation pédagogique relève de la Fédération et de ses structures décentralisées. C'est-à-dire que les stages sont programmés et organisés par les comités régionaux FSCF, en accord avec la commission nationale et centralisés par la Fédération. Celle-ci assure également la formation des formateurs sur le plan pédagogique. A mes yeux, le plus important est de connaître parfaitement les spécificités des bébés et des enfants, être dynamique et volontaire, et surtout vouloir partager son savoir. »
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L’Eveil des premiers pas : première étape vers le développement de l’adulte
Suite de notre entretien avec l’éducatrice spécialisée dans l’Eveil Dominique Barrou. Elle aborde avec bonne humeur et passion le déroulement des séances, le contexte lié au COVID et tout ce que peut apporter l’Eveil de l’enfant.
Quelles sont les caractéristiques d’une séance d’Eveil des premiers pas ? Comment avoir la bonne approche avec des enfants si jeunes ?
« Le principal à mes yeux, c’est de connaitre les spécificités du corps des enfants les plus jeunes. Il y a des situations multiples qui correspondent aux différents niveaux de développement de la motricité du bébé. Dans une séance normale, les parents arrivent, tout le monde se salue, les enfants partent avec les parents et c’est l’enfant qui décide d’aller là où il le veut. Sur les ateliers, notre rôle est d’aider les enfants en cas de besoin ou au contraire les laisser seuls si tout va bien. En clair, pour les parents, cela implique de garder les yeux ouverts, d’être toujours bienveillants et motivés et d’encourager l’enfant le plus possible. Souvent, les parents sont en questionnement ; mon rôle est alors de les aider et de les accompagner pour qu’ils n’entravent pas le développement de la motricité du nourrisson. »
Comment gérez-vous la présence des parents dans vos séances ?
« J’ai 30 ans d’expérience dans l’Eveil, 3 enfants, 8 petits-enfants : je suis légitime même si je ne sais pas tout. On rencontre parfois de la crainte chez les parents, ils peuvent avoir l’impression d’être remis en cause, mais c’est là qu’est toute la finesse de l’activité : accueillir l’enfant et lui proposer des activités, c’est quelque chose de différent de ce qu’ils peuvent faire à la maison. En toute modestie, je suis convaincue de mes compétences en matière d’Eveil, j’ai l’expérience et la formation. Quand les parents nous font confiance, c’est fabuleux, car l’enfant le ressent. »
Pensez-vous que cette pratique va se développer dans les années qui viennent ?
« J’aimerais évidemment qu’elle se développe. Les animateurs ne courent malheureusement pas les rues mais, au niveau des formations, de plus en plus de professionnels sont présents : des responsables de crèches, des kinésithérapeutes, des psychomotriciens par exemple. Pour l’enfant, c’est vraiment intéressant car, s’il commence dès 6 mois, alors une association qui pratique l’Eveil jusqu’à 6 ans va pouvoir le garder pendant tout le début de sa croissance. Et si l’association propose des activités après, c’est bénéfique pour tout le monde. En clair, je pense que cette thématique des premiers pas ne peut que se développer à l’avenir car c’est un bienfait majeur pour l’enfant et les parents, mais également pour les associations. »
Le contexte du COVID est-il obstacle majeur ? Le virus a bouleversé le monde associatif…
« Effectivement, nous devons nous adapter. Les parents sont masqués. Pour ma part, j’évite de sortir du petit matériel car je dois tout désinfecter après chaque séance. Mais le principal problème, c’est la distance avec l’enfant. Je suis très proche des enfants donc c’est forcément différent. J’aimerais que le prochain stage se remplisse, nous faisons tout pour en tout cas. »
Si vous deviez résumer votre vocation en 3 mots, quels seraient-ils ?
« Les trois mots qui me viennent en premier lieu sont la bienveillance, l’aventure et l’exploration. L’Eveil, c’est la base de la construction de la motricité des êtres humains et des futurs adultes. Avec mon expérience et l’apport de Michèle Forestier, j’arrive parfois à voir chez des personnes s’ils ont fait de l’Eveil quand ils étaient enfants. L’Eveil donne des clés pour l’estime de soi, la confiance en soi, l’envie d’apprendre, mais également dans notre rapport aux autres. Il faut faire comprendre aux enfants que leur corps est un outil merveilleux. Si l’enfant passe par ces étapes de construction, sa vie n’en sera que meilleure ! »